L’ART FRACTAL CHEZ JEAN-CLAUDE MEYNARD
Qu’est-ce qu’une fractale?
Il est bien difficile de trouver une définition précise de ce qu’est une fractale lorsque l’on n’est pas mathématicien. Disons alors simplement qu’une fractale est une fonction mathématique qui répète une même opération à l’infini et qui est ainsi susceptible de produire des figures dont chaque partie est une image du tout. Toutefois il est possible d’introduire un tel nombre de variables dans ces processus (voire des variables aléatoires) que l’on peut ainsi produire une diversité infinie d’images.
Dans le domaine des sciences, les fractales ont permis de modéliser un certain nombre de phénomènes extrêmement complexes comme les tourbillons, la diffusion erratique de certains produits en milieu liquide ou plus simplement un relief montagneux accidenté ou certaines formes ajoutant un triangle aux trois côtés d’un végétales.
La puissance de calcul des ordinateurs permets aujourd’hui avec des programmes plus ou moins complexes de produire ainsi des figures abstraites qui d’une part s’avèrent présenter une certaine beauté plastique mais peuvent aussi et surtout être investies d’une multitude de significations.
Le Fractalisme
Le fractalisme est un mouvement artistique qui prend sa source à la fin des années 70 avec l’ouvrage de Mandelbrot «les objets fractals» et se développent dans les années 80 et 90.
Jean-Claude Meynard appartient au Groupe Art et Complexité dont il signe le Manifeste Fractaliste avec entre autres Pascal Dombis, Carlos Ginzburg, Yvan Rebyj et Pierre Zarcate, affirmant avec leurs œuvres «le paradigme de la complexité chaotique - fractale» et s’engageant dans un «renouveau radical du modèle de création ».
L’œuvre de Jean Claude Meynard
Nature et géométrie
Si nous ne saurions confondre une oeuvre d’art avec une théorie scientifique, c’est que l’art tend à explorer les limites de la connaissance discursive, à en extrapoler les potentialités, à donner sens et vie à des théories que l’objectivité confine à l’inertie. Il s’agit pour Jean-Claude Meynard comme pour les scientifiques, suivant des modalités qui leur sont propres, de déchiffrer le monde qui nous entoure. Ainsi le mysticisme pythagoricien qui fit du nombre le principe de toute chose a-t-il trouver un échos tant dans le domaine des science que dans celui de l’art. Ainsi les fractales de Jean-Claude Meynard poursuivent-elles le rêve ancestral de retrouver dans la foisonnante complexité du réel l’indice mathématique de son mystère.
Ordre et désordre
Encore est-il que la nature ne se conçoit pas comme un ordre simple et figé mais comme un ordre d’autant plus complexe qu’il est en perpétuelle transformation. Il appartient donc à l’artiste de nous en faire découvrir les potentialités infinies.
Les images fractales de Jean-Claude Meynard se présentent de prime abord comme une sorte de chaos au sein duquel l’oeil cherche son chemin sans véritablement réaliser qu’il est en train de le créer lui-même. Si l’on peut en effet parler de chaos c’est qu’il n’y a pas d’ordre préétabli, pas de lecture prédéfinie de l’ouvre mais un parcours du regard à chaque fois singulier qui nous fait pénétrer dans le labyrinthe de la vie. Il revient ainsi à chacun de recomposer la figure du vivant dans le mouvement même de la contemplation de l’œuvre.
Le temps du regard devient celui, organique, de la vie.
Le fini et l’infini
C’est l’une des caractéristiques de l’art fractal que de se jouer de l’infini, de fractionner le réel pour en découvrir toute l’étendue dans la moindre de ses parcelles. Multipliant les plans, les espaces, les horizons.
Jean-Claude Meynard nous fait pénétrer dans les arcanes du réel où l’infiniment petit semble toujours vouloir faire écho à l’infiniment grand. Si il n’est certes pas possible de représenter l’infini, du moins les fractales nous en donne le vertige. Les figures se multiplient à des échelles diverses ne perdant jamais leur identité que pour en dévoiler la myriade des facettes.
Chaque figure devient alors un univers dont nous ne saurions jamais tout à fait connaître le secret et dont chaque instant de l’existence devient un abîme dans lequel l’éternité entière pourrait venir se perdre.
Thierry Cattan - avril 2005