Schizophrénie

A partir des années 75, avec les séries : Schizophrénie, Série Noire, et le Jeu, Meynard explore une des figures intérieures de la complexité : celle de l'homme aux prises avec sa propre identité.

L'homme sur-apparent de l'Hyperréalisme, l'homme d'une netteté exemplaire, va céder la place à une figure floue, incertaine, au centre d'une composition qui joue sur l'ambiguïté du réel et du rêve. Meynard va mettre en peinture « la traversée des apparences ».

En 1976, le titre de son exposition à Paris « Schizophrénie » se réfère clairement au trouble psychiatrique. La solitude, l'angoisse, le suicide y apparaissent comme conséquences d'une réalité que Meynard avait peinte auparavant jusqu'aux détails les plus infimes à travers la virtuosité hyperréaliste de ses premières œuvres.

Mais on sait que l'hyperréalisme de Meynard n'était qu'un magistral faux-semblant du réel qui dénonçait, à la fois, l'hypertrophie consumériste du monde, sa vacuité, et son homme-objet.
Avec « Schizophrénie », Meynard va aborder le réel, non plus sous l'angle de « l'inventaire », mais à travers une géométrie de l'enfermement. Par le biais de mythologies urbaines : la gare, le métro, la cabine publique, les toilettes, il va montrer l'individu enfermé, comme interné, au cœur de la ville.

La femme de « La Cabine Publique » ou la femme des « Toilettes », dans la lumière artificielle, avec, pour l'une, un interlocuteur invisible et pour l'autre, son propre reflet, sont bien les représentations même d'une mise à l'isolement de l'individu.
Comme pour la toile « Photomaton », ce service d'identification à « 2 francs les 4 poses », qui vous formate pour pas cher à toutes heures du jour et de la nuit...
Même les espaces ludiques de la ville, comme « Le Cirque » ou « Les Auto-tamponneuses » sont représentés, pour l'un, sur des affiches à travers un grillage, et pour l'autre, derrière des barreaux...
Dans cette série, la manière de Meynard, sans jamais perdre de sa précision, se brouille, se floute, dans une sorte de nuée pointilliste, comme si la trop forte évidence des choses ne pouvait se montrer qu'à travers un écran.

Ces représentations successives de « flottements d'identité » trouvent leur drame dans deux toiles, « L'Escalier » et « La Barque »... un escalier, une barque, un déplacement vertical, un déplacement horizontal... mais pour aller où? L'homme est écrasé au sol et la barque est vide... Ces représentations, Meynard les retravaillera (consciemment ou inconsciemment) tout au long de son œuvre - l'escalier, comme les remous de l'eau, seront des figures récurrentes.