LE JEU
Au
jeu, ce que l'on risque de perdre, encore plus que sa fortune, c'est soi-même. Car ce n'est jamais contre un autre que l'on joue, mais contre soi-même, contre son double.
Les toiles de Meynard sur le jeu rappellent cette formule. Les présences humaines y sont doublées, triplées, toutes à l'identique d'elles-mêmes, fractalisées, saisit par une vibration, un tremblement ... qui joue ? qui perd ? qui gagne ? qui vit ? qui meurt ?
Ainsi, dans « One Armed Bandit » un homme est devant une machine à sous, sa main tremble à actionner le hasard et l'on devine que la machine est à son image.
Dans la toile « Pinball Wizard » (200 cm X 130 cm), toile en référence à l'opéra rock « Tommy », un homme joue au flipper. Le cadrage en plongée nous donne de cette scène une image inattendue car pour la voir ainsi, au bar-tabac du coin, il nous faudrait au moins monter sur une table. L'effet hyperréaliste de la minutieuse précision du dessin est ainsi troublé par l'angle inhabituel de la vision ... d'autant que le visage du joueur s'inscrit en triple reflet sur le rebord brillant de l'engin ... est-ce Tommy, triple lui aussi, sourd, muet, et aveugle?
« ...Ne cherchons pas à réduire cette ambiguïté que Meynard figure dans sa peinture puisque ce qu'elle figure est moins une réalité qu'un vertige dans cette réalité. Un jeu de miroir qui dédouble l'image. Un jeu de prisme qui la décuple. » ( Gilles Plazy, préface du catalogue sur le Jeu - 1979)
Dans deux très grandes toiles, « Fat City » et « Asphalte Jungle » (la boxe et les courses de chevaux), les personnages : parieur, boxeur, entraineur, sont tous figurés dans un dédoublement qui met « en jeu » (en péril ?) leur identité ... comme l'identité du spectateur de la toile qui voit double, qui voit triple ...
Cette représentation décomposée, fractalisée, va trouver son étonnant contraire avec la dernière toile de la série : « Marcel Duchamp » (1981). Cette toile est un hommage au « Joueurs d'échecs » (1911) de Marcel Duchamp et à Marcel Duchamp lui-même qui, joueur de l'équipe de France à partir dans les années 20, fera finalement du jeu d'échec son activité principale, aux dépens de l'art. Meynard figure Duchamp - et rien ne tremble - le bras de Duchamp est devenu « une partie » du jeu d'échec, Duchamp est entré dans le jeu, mais aussi, il n'est plus peintre...